Avant-propos

Après la parution en français de son incroyable premier roman, L'Enfermement d'Ojeda (Éditions Toute Latitude, novembre 2006) la nécessité de parler de Martín Murphy, de son oeuvre, de ses romans à venir s'est imposée d'elle-même.
Martín Murphy est prêt à échanger directement avec vous sur les thèmes qui lui tiennent à coeur, comme celui de la littérature sud-américaine dont on entend tellement peu parler dans l'hexagone.

Qui que vous soyez, n'hésitez donc pas à lui écrire un message !

mardi 6 novembre 2007

Martín Murphy enfin présent à Paris !


Novembre 2007
Martín Murphy exceptionnellement en visite
à Paris !


Martín Murphy vient à la rencontre des lecteurs français et vous donne rendez-vous à :
le mardi 13 novembre 2007 de 18h à 20h
à la Librairie espagnole - 7 rue Littré 75006 Paris*


Pour plus d'informations, voir :
Le site des Éditions Toute Latitude
Le site de La Librairie espagnole


*(M° lignes 4 et 6 Montparnasse)

mardi 30 octobre 2007

Journalisme et littérature : une affaire de mots

Les inédits de Martín Murphy - Octobre 2007
(Traduction Éditions Toute Latitude)

« Il y a quelques jours s’est tenu en Espagne un congrès sur la littérature et le journalisme. Il y a eu beaucoup de conférences et je ne doute pas que des choses très intéressantes s’y soient dites. Mon apport à ce congrès, si j’avais été invité, aurait été le suivant : si l’on offrait à tous les journalistes le choix de vivre du journalisme ou de la littérature, le monde perdrait du jour au lendemain un grand nombre de journalistes, parce que la plupart opteraient pour la littérature. On dit que tous les journalistes ont un roman dans le tiroir de leur bureau. Je crois que derrière cette légende se cache une grande vérité… »

Lire la suite... (VF et VO)

Roberto Bolaño, un écrivain "mythe"

Les inédits de Martín Murphy - Octobre 2007
(Traduction Éditions Toute Latitude)

« Dans mon appartement de Londres, il n’y a guère plus de deux ou trois livres à la fois, qui sont ceux que je suis en train de lire. Le reste de mes livres est empilé dans le grenier de ma maison à Buenos Aires. Après avoir déménagé six fois en six ans je n’avais plus la force, l’espace, l’argent, ni même l’envie de m’encombrer avec eux. Heureusement j’ai un collègue sympa, lecteur insatiable s’il en est, qui m’a ouvert les portes de sa bibliothèque. Lorsque je termine un livre, il m’en apporte un autre. Le dernier à être tombé entre mes mains c’était 2666, le roman que Roberto Bolaño a terminé d’écrire peu avant sa mort, en 2003. Je ne l’ai toujours pas fini, donc je préfère ne pas me prononcer à son sujet. Ce qui m’a surpris en recherchant sur Internet plus d’informations sur le roman, ça a été de découvrir que Bolaño était en train de se transformer en cette étrange figure qui est celle de l’écrivain /mythe… »

lundi 29 octobre 2007

Le mot de l'éditeur, par Laurent Tranier

Le siècle de l'« Ojedisme »
« Nous tenons un texte parfaitement construit, littéraire, d’une vraie profondeur, et même important, sur des schémas classiques et avec une vraie originalité dans le traitement de sa thématique. C’est formidable. Nous publions. »

C’est ainsi que je concluais ma fiche de lecture lorsque je découvris le texte de Martín Murphy lauréat du Prix Juan Rulfo, au début de l'année 2006.

L’Enfermement d’Ojeda est un texte universel, sur la condition de l’homme moderne, contraint à l’efficience, à la performance, sous la pression permanente de l’exigence de la société à son égard.
Cette exigence et sa conséquence gravement néfaste sur la psychologie de notre héros saisi par l’angoisse de la demande sociale, sont présentées sans analyse mais sous l’angle de ses dérèglements mentaux, qui serait celui de la psychanalyse. Cette angoisse du changement, la régression infantile qu’elle suscite porte à présent un nom : l’« ojedisme ».
Cet ouvrage, dans sa structure et dans les modèles auxquels il renvoie, est très riche de la culture universelle de l’Europe, celle de Kafka et qui s’étend jusqu’à Borges et Cortázar, dont l’ombre plane sur ce texte. La manie jusqu’à la limite absurde qui fait basculer la réalité dans un univers parallèle est un thème essentiellement « cortazien », de même que la passion de l’écriture qui saisit le héros, tellement proche des textes de Vila-Matas, dans son état dépressif mou proche du syndrome de Bartleby, dans son déni du temps qui passe.
Tout cela n’est pas situé culturellement, mais tellement imprégné de culture occidentale universelle et de psychanalyse, que la ville de Buenos Aires se manifeste presque comme une évidence...

Les Éditions Toute Latitude ont été la première maison d'édition de Martín Murphy. Nous l'avons traduit et édité avant même qu'il ne le soit en Argentine. Il est aujourd’hui publié par Adriana Hidalgo, et ne dépare pas au catalogue de cette grande maison d’édition aux côtés d’Agamben, Arenas, Bataille, Bloom, Brecht, Tchekhov, Gombrowicz, Grass, Herralde, Kerouac, Le Clezio, Pavese, Sciascia, Steiner…

Interview d'Eduardo Manet

Eduardo Manet est écrivain, membre du jury Juan Rulfo.
Toute Latitude : M. Manet, pouvez-vous nous dire ce que furent vos premières impressions à la lecture de L'Enfermement d'Ojeda ?

Eduardo Manet : Oui, alors, ce qui m’a frappé en premier, c’était son ton, très personnel. Je vais vous dire quelque chose : je n’aime pas les journalistes qui ne peuvent s’empêcher d’établir une comparaison entre telle et telle œuvre ou tel ou tel écrivain. Dès que l’on parle d’un roman de qualité d’un auteur sud-américain, on pense tout de suite à Borges. Non… il faut parler du livre en soi ; et ici, c’est son ton particulier qui m’a pris tout de suite ; c’est ça qui m’intéressait.

TL : Comment s’est déroulée la délibération ? Vous pouvez nous raconter un peu comment ça s’est passé ?

EM : Oh, vous savez, un jury n’est jamais unanime, ou alors c’est très rare. Mais ce qu’il est important de dire, c’est que notre décision a été juste et honnête. Nous ne subissons aucune pression, aucune influence des éditeurs ou d’autres lobbies comme c’est le cas pour d’autres Prix… c’est pour ça que je participe au jury de ce Prix depuis si longtemps.

TL : Depuis combien de temps ?

EM : Oh… heu… je ne m’en souviens pas.

TL : (Rires). Très bien. Selon vous, qu’est-ce qui a séduit le jury dans L'Enfermement d'Ojeda ?

EM : Et bien c’est simple : nous sommes tombés d’accord pour dire que ce roman ouvrait une voix – v-o-i-x – singulière qui pouvait ouvrir sur une voie – v-o-i-e – intéressante. Mais pour revenir à votre question, ce qui nous a plu, c’est ce mélange d’imagination, de réalité et de fantaisie.
Si je peux me permettre d’ajouter quelque chose, j’aimerais préciser que la situation des auteurs en Amérique latine aujourd’hui est très particulière. Dans les années 1960-1970, on a assisté en France à un boum qui a révélé de grands auteurs sud-américains aux yeux des lecteurs français comme García Marquez par exemple. Une fois ce boum passé, ces derniers ne croyaient plus vraiment à un mouvement littéraire réel sud-américain. De nombreux auteurs en souffrent eux-mêmes : un ami poète chilien m’a dit qu’écrire de la poésie aujourd’hui, ou se présenter comme tel, était presque impossible à cause de l’ombre de Pablo Neruda, vous voyez ? Aujourd’hui, les écrivains peinent sous ce poids. C’est comme… c’est comme une guérilla ! Et certains de ces écrivains sont de bons guérilleros. Moi je crois que si un écrivain apporte quelque chose de nouveau à la littérature, il est important qu’il soit reconnu comme tel.

TL : Merci pour tous ces éclaircissements M. Manet. C’était très instructif.

(Propos recueillis par Toute Latitude - 29 octobre 2007)

vendredi 26 octobre 2007

Interview d'Elqui Burgos

Elqui Burgos est le coordinateur général du Prix Juan Rulfo.
Toute Latitude : M. Burgos, vous rappelez-vous du nombre de romans qui avaient été sélectionnés pour l’édition 2004 du Prix Juan Rulfo ?

Elqui Burgos : Oui, nous recevons environ 6000 manuscrits chaque année de partout dans le monde. La seule condition est que ce soient des œuvres courtes de fiction écrites en espagnol. De ces 6000, nous en retenons entre 400 et 600 pour le comité de lecture.

TL : C’est vous qui les lisez tous ? (rires)

EB : Oui, en effet, c’est moi qui suis chargé de faire la première sélection. Je lis les 6000 manuscrits chaque année.

TL : Incroyable !! C’est difficile à imaginer. Avec tous ces romans, vous rappelez-vous vos premières impressions après avoir lu L'Enfermement d'Ojeda ? Même si c’était il y a trois ans…

EB : Le roman m’a rappelé une nouvelle de Melville – l’auteur de Moby Dick, vous voyez – qui s’appelle Bartleby the Scrivener J’y ai trouvé une parenté spirituelle. Dans les deux histoires, le personnage principal est un bureaucrate, l’atmosphère créée est lourde, et le regard porté sur la réalité est noir. Inutile de dire que c’est un compliment.

TL : Mais… iriez-vous jusqu’à dire que son œuvre est cynique ?

EB : Non ! Car l’écriture n’est pas dévalorisée ; au contraire, c’est elle qui va l’aider à se soigner. Elle n’est pas dévalorisée. Ce qui est même formidable, c’est qu’une fois que l’écriture se termine, son problème est résolu, et le roman aussi. En fait on pourrait dire que la vie continue à faire sens tant qu’il continue à écrire. Et il n’arrête pas une seule fois de se battre. Il cherche du sens. L’écriture lui en apporte.

TL : Qu’est-ce qui vous a plu dans le roman de M. Murphy ? Sur le fond et la forme, j’entends ?

EB : Je l’ai trouvé d’une redoutable cohérence. Il est centré sur un seul personnage, l’histoire se déroule de façon linéaire, mais à chaque pas on avance un peu plus avant dans la folie du personnage, dans sa frustration. L’écriture est ce qui donne un sens à sa vie et… (rires) recourir à l’écriture pour se soigner – parce que c’est que fait Ojeda, non ? – c’est déjà une sorte de folie, vous ne trouvez pas ? Maintenant si on revient au style, je le trouve clair, heu… limpide. Ses phrases sont sans détour ; elles expriment ce qu’il est besoin d’exprimer.

TL : Elles sont franches ?

EB : Oui franches, directes.

TL : Merci infiniment, M. Burgos, d’avoir bien voulu me recevoir. Cet entretien a été très enrichissant.

EB : Merci à vous.

(Propos receuillis par Toute Latitude - 25 octobre 2007)