Avant-propos

Après la parution en français de son incroyable premier roman, L'Enfermement d'Ojeda (Éditions Toute Latitude, novembre 2006) la nécessité de parler de Martín Murphy, de son oeuvre, de ses romans à venir s'est imposée d'elle-même.
Martín Murphy est prêt à échanger directement avec vous sur les thèmes qui lui tiennent à coeur, comme celui de la littérature sud-américaine dont on entend tellement peu parler dans l'hexagone.

Qui que vous soyez, n'hésitez donc pas à lui écrire un message !

jeudi 30 août 2007

Journalisme et littérature : une affaire de mots

Les inédits de Martín Murphy - Octobre 2007
(Traduction Éditions Toute Latitude)

« Il y a quelques jours s’est tenu en Espagne un congrès sur la littérature et le journalisme. Il y a eu beaucoup de conférences et je ne doute pas que des choses très intéressantes s’y soient dites.
Mon apport à ce congrès, si j’avais été invité, aurait été le suivant : si l’on offrait à tous les journalistes le choix de vivre du journalisme ou de la littérature, le monde perdrait du jour au lendemain un grand nombre de journalistes, parce que la plupart opteraient pour la littérature.

On dit que tous les journalistes ont un roman dans le tiroir de leur bureau. Je crois que derrière cette légende se cache une grande vérité. Je ne dis pas qu’il n’y a pas de journalistes qui aiment vraiment leur travail, ou qui n’ont jamais lu un seul roman et qui considèrent la littérature comme un simple jeu. Tous les journalistes aiment les mots, la-dessus je n’ai aucun doute. Mais je crois qu’il y a plus de journalistes qui préfèrent jouer avec les mots que travailler avec eux.
En ce qui me concerne, jamais je ne me serais approché du journaliste si ce n’avait pas été par la littérature. Je voulais être écrivain mais je savais qu’avec la littérature je mourrais de faim, donc j’ai fait ce que beaucoup font : j’ai cherché un travail qui ressemblerait le plus possible à la littérature. J’aurais pu choisir d’être traducteur, mais la traduction est une activité statique, alors que dans le journalisme il y a du mouvement. Qui plus est, entre un journaliste et un traducteur il n’y a parfois pas tant de différence que ça, mais c’est une autre histoire.

Je me souviens qu’avant de devenir journaliste je travaillais comme secrétaire dans une entreprise d’ingénierie. Ensuite j’ai décroché un stage dans un quotidien, et du jour au lendemain je suis passé des envois de fax et autres archivages de dossiers à un travail de rédaction. On m’a confié la rubrique des « brèves » internationales, qui étaient des résumés de trois ou quatre lignes maximum, et pour moi ça a été comme de commencer une nouvelle vie. Ça me paraissait incroyable qu’on me paye pour rédiger des articles, si minimes soient-ils. Au bout de quelques semaines on m’a permis d’écrire des chroniques à partir de dépêches d’agence et là j’ai eu plus de liberté pour travailler sur le texte. J’essayais d’écrire le plus grand nombre de chroniques possibles.

L’autre rédacteur de la section, qui travaillait au journal depuis plus de dix ans, faisait le contraire : sur les huit heures qu’il passait au journal il écrivait deux ou trois notes, le reste du temps il était au bar du coin. Je n’oublierai jamais la première note que j’ai signée : une chronique sur les dernières heures de Salvador Allende à La Moneda. Quand j’ai rendu l’article – d’à peu près cinq cents mots – je me sentais extrêmement fier. Dix minutes plus tard, le rédacteur en chef me l’a rendu en me demandant de le ramener à trois cents mots, et d’utiliser des phrases plus courtes, sans toutes ces propositions, que ce n’était pas un roman. Cet après-midi-là, après avoir terminé mon article, j’ai rejoint l’autre rédacteur et nous sommes allés ensemble prendre un café au bar du coin. C’est là que je me me suis rendu compte que le type se réfugiait au bar pour écrire un roman. »


Martín Murphy en VO :

“Hace pocos días se realizó en España un congreso sobre literatura y periodismo. Hubo muchas ponencias y sin duda se dijeron cosas muy interesantes.
Mi aporte aese congreso, de haber sido invitado, habría sido el siguiente : si se les ofreciera a todos los periodistas la opción de vivir del periodismo o de la literatura, de un día para otro el mundo perdería un gran número de periodistas, porque la mayoría optaría por la literatura.

Dicen que todo periodista tiene una novela guardada en el cajón de su escritorio. Creo que detrás de este dicho se esconde una gran verdad. No digo que no haya periodistas que realmente disfruten de su trabajo, o que jamás hayan leído una novela y para quienes la literatura no es más que un juego. A todos los periodistas le gustan las palabras, de eso no me caben dudas. Pero creo que son más los periodistas que prefieren jugar con las palabras que trabajar con ellas.
En mi caso, jamás me hubiera acercado al periodismo de no ser por la literatura. Quería ser escritor pero sabía que con la literatura me moriría de hambre, entonces hice lo que hacen muchos : busqué un trabajo que se pareciera lo más posible a la literatura. Podría haber elegido ser traductor, pero la traducción es una actividad estática, mientras que en el periodismo hay movimiento. Además, entre un periodista y un traductor a veces no hay diferencia, pero éste es otro tema.

Recuerdo que antes de convertirme en periodista trabajaba como secretario en una empresa de ingeniería. Luego conseguí una pasantía en un diario y de un día para otro pasé de enviar faxes y archivar carpetas a trabajar en una redacción. Me pusieron a redactar los "breves" de internacionales, que eran resumenes de no más de tres o cuatro líneas, y para mí fue como nacer a una nueva vida. Me parecía increíble que me pagaran por redactar notas, por más ínfimas que fueran. A las pocas semanas me permitieron escribir crónicas a partir de cables de agencia y ahí tuve mayor libertad para trabajar el texto. Trataba de escribir la mayor cantidad de crónicas posibles.

El otro redactor de la sección, que llevaba más de diez años en el diario, hacía lo opuesto : en las ocho horas que se pasaba en el diario escribía dos o tres notas, el resto del tiempo estaba en el bar de la esquina. Jamás me voy a olvidar de la primera nota que firmé : una crónica sobre las últimas horas de Salvador Allende en La Moneda. Cuando entregué la nota - de unas quinientas palabras – me sentía sumamente orgulloso. Diez minutos después, el editor me la devolvió y me dijo que la bajara a trescientas palabras, y que utilizara frases más cortas, sin tantas cláusulas, que eso no era una novela.
Esa tarde, después de terminar la nota, me junté con el otro redactor y nos fuimos juntos a tomar un café al bar de la esquina. Ahí me enteré de que el tipo se refugiaba en el bar a escribir una novela.”


© Martín Murphy 2007
© Editions Toute latitude 2007

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